jeudi 30 janvier 2014

Marie in Deutschland

Les étudiants français, considérés par beaucoup comme les "champions de la mobilité", sont très nombreux à partir vivre à l'étranger, qu'ils soient poussés par l'envie d'ajouter une ligne sympathique à leur CV, de fuir la morosité ambiante car l'herbe est toujours plus verte à côté, ou d'essayer de mener une carrière plus brillante et mieux payée … 
Marie, une jeune femme éblouissante et extrêmement cultivée, a suivi le mouvement et s'en est allée en Allemagne. Cette étudiante modèle, amoureuse des lettres et de l'histoire, nous parle de son parcours.

Le lac de Constance - Bodensee
Toutes les photos de cet article ont été prises par Marie

C'est sur un ton passionnément rêveur et poétiquement amoureux que Marie nous parle de l'attachement qu'elle porte à l'Allemagne :
« L'Allemagne est pour moi une contrée qui ne cesse de m'offrir de nouvelles découvertes, c'est
un très beau pays aux multiples facettes : les époustouflants paysages alpins au sud, les rêveries romantiques entre les superbes ruines qui dominent les falaises rhénanes et les coteaux aux vins enchanteurs, mais aussi l'attrait balnéaire aux notes scandinaves au nord du pays, sans compter le dynamisme de ses grandes villes et l'architecture attachante de ses petites villes qui ont su garder le cachet des demeures médiévales. 
C'est aussi un pays avec une culture très riche, parfois très proche de celle que l'on possède en Alsace, mais néanmoins propre à chaque Land. C'est très intéressant de chercher à comprendre ce qui aujourd'hui lie les Allemands dont l'histoire n'est commune que depuis moins de deux siècles. Ce pays m'attire car son identité est très complexe. En somme, j'aime les mystères de ce pays et j'ai toujours envie d'en savoir plus. »
Elle résume pour nous ses longues et ô combien fructueuses années d'étude : 
« Après un bac littéraire option européenne allemand et allemand renforcé, je me suis tournée vers une classe préparatoire littéraire (ndrl : au lycée Fustel de Coulanges, à Strasbourg), toujours avec l'allemand comme matière principale.

Cette langue me passionnait mais je voulais garder la plus grande ouverture culturelle possible.

Après mes trois ans de prépa, j'ai poursuivi mes études par un master d'allemand - formation aux métiers de l'enseignement à la faculté de Strasbourg pour réaliser mon rêve : enseigner l'allemand, c'est à dire partager ma passion pour cette langue et sa culture. J'ai conclu mes cinq années d'études en décrochant mon CAPES en juillet 2013. »
Un séjour en Allemagne s'impose comme une évidence pour cette demoiselle si souriante, passionnée par la mélodieuse langue de Goethe. Elle explique :
« Étant étudiante en langue étrangère, il me semblait naturel et même essentiel de partir « en continu » dans le pays de la langue étudiée. J'ai toujours appréciée d'aller découvrir des coins d'Allemagne lors de séjours linguistiques, culturels ou de loisirs, mais j'étais frustrée de ne connaître l'Allemagne que comme une étudiante étrangère ou comme une touriste. Ce dont je rêvais, c'était de découvrir le pays de l'intérieur, de le vivre au quotidien comme un Allemand, et de côtoyer des Allemands comme des voisins et non comme des rencontres éphémères... Je pense que c'est ainsi que l'on appréhende au mieux une culture étrangère et une langue, il faut se laisser gagner par elles et non les attaquer à coup de règles et de nos représentations souvent faussées ... »
 Ses études prenant fin et son CAPES en poche, Marie a décidé de réaliser son rêve sans plus attendre.
« Avec mon cursus particulier à la France, il m'était malheureusement impossible de faire une année à l'étranger dans le cadre de mes études.
J'ai donc profité de l'année de report de stage pour préparer mon agrégation d'allemand en Allemagne, en travaillant dans une entreprise allemande, et ce afin d'améliorer mon allemand oral encore teinté d'accent français. »
 C'est toute seule, et plus motivée que jamais, que cette brillante étudiante a décidé d'organiser son départ pour l'Allemagne.
« Ayant fini mes études, j'ai dû organiser mon séjour seule et vite ! J'ai seulement su en juillet que le report de stage pour l'agrégation m'était accordé et j'ai déménagé en août.
Voulant faire « comme une allemande », j'ai contacté le pôle emploi allemand (c'est-à-dire l'Arbeitsagentur) et j'ai posté des dizaines de candidatures sur des sites de recherches d'emploi en Allemagne. J'ai choisi de m'orienter vers le tourisme et l'hôtellerie. J'ai obtenu rapidement plusieurs offres aux quatre coins de l'Allemagne, mais j'ai retenu une place de réceptionniste au lac de Constance : un cadre dépaysant et un établissement dont l'éthique empreinte de souci écologique et de valeurs familiales m'a séduite. »
Côté "pratique", ce déménagement allemand s'est fait très facilement :
« La France faisant partie comme l'Allemagne de l'Union européenne et de l'espace Schengen, je n'avais pas besoin de solliciter un permis de séjour et de travail. J'ai signé mon contrat de travail, ce qui me rattachait automatiquement aux impôts allemands, j'ai dû choisir une caisse d'assurance-maladie en Allemagne (j'ai choisi la plus courante dans mon Land d'adoption étant donné l'offre énorme et confuse en matière d'assurances-maladie) et faire enregistrer mon emménagement dans la ville où je me suis installée. Les nouveaux habitants sont très cordialement reçus dans les villes allemandes où l'on reçoit tout un dossier présentant la commune ainsi que des offres pour pouvoir la découvrir... C'était très agréable de se voir aussi bien reçu !  »
Marie nous parle alors de la réaction de ses parents et de sa famille face à son départ :
« Mes amis n'étaient qu'à moitié surpris étant donné que je rêvais depuis longtemps de partir, ils étaient plutôt contents pour moi et m'ont encouragée, après tout ce séjour m'est utile pour mon métier, cela m'apporte beaucoup sur le plan humain et l'Allemagne n'est pas à l'autre bout du monde ! 
Ma famille m'a également soutenue même si je crois qu'ils attendent mon retour définitif. Ma cousine a vécu un an en Allemagne au courant de ses études et elle m'a donné des conseils pour ce qui est de la location dans ce pays, de l'abonnement à internet, de la sécurité sociale, etc. C'était rassurant de bénéficier de son expérience. 
Ces marques de soutien m'ont beaucoup touchée et aidée. Avant de partir, j'étais partagée en la crainte que ça ne se passe pas bien, une certaine peur de l'inconnu, mais il y avait aussi l'excitation face à cette aventure et l'avidité de découvertes !  »
La future enseignante nous parle alors de son travail qui s'est révélé bien plus prenant qu'elle ne le pensait :
« Je travaille minimum 9 heures par jour à la réception d'un hôtel. Outre l'accueil des clients, je dois faire du travail de bureautique, gérer le service d'étage, réaliser des devis pour les offres de séjour, réaliser des contrats dans le domaine de l'événementiel, ... J'ai dû apprendre à manager du personnel, ce qui n'est pas forcément évident. J'ai ainsi pu découvrir que le monde de l'entreprise n'est pas celui où je saurai m'épanouir et que ma vocation d'enseigner m'est vitale, le contact avec des élèves me manque et il me tarde de rejoindre une salle de classe.  »
 « Je suis des cours de préparation à l'agrégation par correspondance, mais le rythme de travail (45 heures par semaine et souvent pas mal d'heures supplémentaires) est souvent épuisant, ce qui ne m'aide pas à combler mon retard dans la préparation du concours. »
Si le monde du travail s'est révélé assez stressant et épuisant pour cette passionnée de la vie qui souhaite plus que tout réussir le concours de l'agrégation, son séjour allemand lui a tout de même permis de beaucoup progresser dans sa maîtrise de la langue ainsi qu'elle nous le confie :
Aperçu du Hohentwiel ...
... La plus grande forteresse en ruine d'Allemagne.
« Je dois reconnaître que je suis désormais plus à l'aise pour parler allemand, même si je garde encore un accent français que décèlent toujours mes interlocuteurs, curieux de savoir d'où je viens et ravis de l'exotisme de rencontrer une Française sur leur lieu de vacances. »
 « Sur le plan professionnel, ce séjour m'aura fait beaucoup mûrir de par les responsabilités à porter et les difficultés à surmonter (apprendre un métier qui m'était totalement étranger et ce dans une langue
étrangère, gérer les plaintes des clients, les exigences de la direction, etc.).
J'ai également découvert que le plus difficile dans une langue étrangère est de pouvoir faire de l'humour. J'avais du mal durant les deux premiers mois à répondre aux blagues parce que les mots adéquats me venaient trop tard ou parce que j'avais du mal à saisir le second degré de certaines expressions idiomatiques : quel soulagement quand ce verrou a commencé à se débloquer! »
Un autre aspect de ce voyage a énormément plu à Marie : la découverte de nouveaux paysages. Elle évoque pour nous les ravissements de la nature et les mystères de certains châteaux en ruine situés dans cette région du nord des Alpes si délicate et encore relativement préservée. Allemagne, Suisse et Autriche se côtoient autour du Bodensee et partagent la beauté d'horizons délicats :

« Je suis partie au lac de Constance à la mi-août 2013 et j'y reste jusqu'à ce que je reprenne un poste d'enseignant en France... Je vis près de Constance, dans une petite ville portuaire. Lorsque je ne m'occupe pas de la réception dans un hôtel je tente de découvrir ma région aux paysages très variés entre panorama alpin, reliefs montagneux ou volcaniques en plein milieu de la plaine, espace de culture également, qui a attiré de nombreux artistes tels que Hermann Hesse et Otto Dix qui y ont vécu durant plusieurs décennies, espace d'échange important avec la Suisse et l'Autriche frontalières ... »
« La région où je vis offre des paysages impressionnants. Les chutes du Rhin sont grandioses, ainsi que les anciens volcans qui se dressent dans la plaine de l'Hegau, les couchers de soleil qui peignent le ciel, le lac et la neige sur les sommets alpins un camaïeu de couleurs chaudes sont d'une beauté à couper le souffle. Le château du Hohentwiel est la plus grande forteresse en ruine d'Allemagne, sur un pic rocheux, il se dresse en un dédale de salles plus ou moins offertes au regard et est un terrain de jeux pour de belles parties de cache-cache !
Que dire aussi de toutes les petites villes aux vieilles maisons pleines de charme ? Ce sont autant de coins de balades pour oublier les tracas du quotidien... »
Marie évoque aussi de belles rencontres :
« De mon séjour, je garde les rencontres qui n'auraient pu se faire ailleurs : notre chef cuisinier aux tatouages impressionnants et aux talents culinaires indéniables (j'ai eu l'occasion de bien découvrir la gastronomie de l'Allemagne du sud !) doté d'un caractère bien trempé et d'une galanterie qui ferait pâlir les Français, mes partenaires de danse (je prends des cours de danse de couple, activité très en vogue parmi les jeunes en Allemagne) tous charmants, ma propriétaire et voisine avec qui je me suis bien liée et dont la vie pourrait faire le sujet d'un roman passionnant.  »
« Les Allemands sont à 99% curieux de savoir d'où je viens en France, pourquoi je suis venue et apprécient de me découvrir et de pouvoir tester leur niveau de français avec moi. J'ai toujours été très bien accueillie et j'ai l'impression que les Français sont très appréciés en Allemagne, du moins dans le sud du pays !  »
Quand Marie se tourne vers l'avenir, un sourire rêveur se dessine sur ses lèvres : 
« Je pense faire ma vie en Alsace, car ma région me manque, quand bien même mon coin d'Allemagne ne manque aucunement d'attraits. Mais j'aimerais bien plus tard repartir quelques mois, peut-être dans le cadre d'un échange d'enseignants, dans le nord de l'Allemagne ou dans un pays anglo-saxon. J'espère garder un pied dans ce pays pour ne pas redevenir une étrangère. Qui vivra, verra...   »
Si cette jeune femme devait s'adresser à un étudiant désireux de partir à l'étranger, voici quels seraient ses mots :
« Il faut tenter l'expérience ! Ce serait dommage de renoncer à un séjour à l'étranger en cas de peurs ou de doutes, car il n'est pas sûr qu'une telle occasion se représentera. Sur le plan pratique, il ne faut pas hésiter à prendre conseil auprès de personnes qui ont fait le même genre de séjour, de nombreux sites internet et de forums offrent également de précieux conseils pour connaître les bons plans ...
Sur le plan professionnel, l'expérience à l'étranger est valorisée et témoigne d'une ouverture d'esprit ainsi que de nombreuses compétences : curiosité, flexibilité, compétences communicationnelles, aisance en langues étrangères ; sur le plan personnel, c'est un défi et on apprend à mieux se connaître. C'est aussi le moment pour faire le point sur ses aspirations et sur ses projets... On ne revient pas pareil, ça c'est clair...
Il faut certes de la ténacité, mais c'est une belle aventure ! Bon vent !  »

Pour le plaisir des yeux,vous trouverez ci-dessous d'autres photos prises par Marie. Merci à elle pour cette formidable interview et pour ces superbes images !

Ceci est un ancien monument nazi érigé à la gloire de la guerre
Il a été transformé en monument célébrant la paix.







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