dimanche 20 juillet 2014

Patrice Bucher : L'artiste-paillette aux milles et une facettes

J'ai rencontré Patrice Bucher un soir de répét', avec la compagnie Tournesol. Il tournait autour de nous comme un insecte, voltigeait, s'approchant, s'éloignant, multipliant les clic et les clac. Je me suis renseignée, on m'a dit que c'était lui qui avait fait la séance photo "grimaces" et qu'il en ferait une encore d'ailleurs, avec nous, sur le thème "grimaces et émotions".
Je me suis immédiatement dit : "voilà un photographe bien déluré". Son sourire amical et les étincelantes paillettes de ses yeux bleus tellement clairs m'ont poussé à m'intéresser à ce "sujet".
Mais Patrice n'est pas le genre d'expérience qu'on peut tenter d'analyser pendant des heures dans un laboratoire. C'est un homme de terrain, qui bouge tout le temps, et dans tous les sens. Il n'y a qu'à voir sa carrière, elle donne le vertige et le tournis et le mal de mer : écrivain, chanteur, peintre, photographe, magicien, animateur, directeur commercial, ...
Patrice est un génie volatile qui, par ses milles et une ailes graciles et ultra colorées, tente de s'approcher du soleil, jouer avec le feu, sans pour autant oublier la solidité du sol sur lequel il a tant de fois rebondi. Le sol, ses amis, son épouse, et toute la véracité de sa sensibilité.

Patrice Bucher
Portrait en mode "lapinou" par Daniel Riehl (document remis)
Patrice est le genre de personne qui vous donne le sourire rien qu'à le voir, tant l'humeur agréablement joyeuse qui l'entoure comme une aura est communicative.
"J'ai fait un disque à l'époque, un 45 tours. Je chantais. Du coup j'ai arrêté mes études de droit parce qu'on connaissait un petit succès. Ça s'appelait Billy The Kid ! C'était à l'époque où on sortait de "Il était une fois dans l'Ouest" avec les airs d'harmonica et tout ce qui va avec. Et le studio où on enregistrait, c'était à Karlsruhe, recherchait justement ces ambiances un peu western, ils ont ajouté cet arrangement là dessus et ça a bien marché en Allemagne, et en France aussi d'ailleurs. On avait vraiment beaucoup de succès et ça venait surtout du fait qu'on chantait en français. C'est vrai que les chanteurs français étaient très appréciés en Allemagne et en Angleterre aussi ... Parce que j'ai chanté dans le métro à Londres aussi ..."
Patrice parle de ces expériences-là sur un ton très détaché, sans en tirer aucune gloire, comme si tout un chacun avait déjà pu rencontrer madame Succès en personne et lui serrer la main. Il faut dire que cet artiste magnanime a le don de voir les qualités de chacun, tant humaines qu'artistiques, et il est toujours le premier à offrir des compliments sincères à ceux qui le méritent.
Si Patrice a flirté, dans la folle fraîcheur de sa jeunesse, avec Melpomène la chanteuse, il n'a pas pour autant négligé les charmes d'une autre muse, celle de la poésie. A tout juste 18 ans, il a publié un recueil de poèmes en proses : A cœur et à poings :
"Oui, j'ai sorti un bouquin quand j'avais 18 ans. En fait, quand j'avais 16-17 ans, mon prof de français, Jean-Paul Klee, qui était un homme de poids dans la littérature de notre région avant de devenir plus controversé, faisait parti d'une petite maison d'édition à Saverne qui s'appelait Poesia, La nouvelle poésie alsacienne, et comme il trouvait ce que j'écrivais plutôt intéressant, il m'a proposé de me publier."
Musique, écriture, mais aussi peinture et photographie, rien ne résiste au merveilleux talent de cet artiste pas comme les autres. Éternel amoureux de la création et de l'originalité, il embrasse avec la même séduisante réussite toutes les tentations artistiques, y compris la magie.

"Dans tous les domaines de ma vie, j'ai toujours fait des choses un peu différentes." déclare cet homme doté d'une personnalité féerique. Il n'a jamais voulu être comme tout le monde et cette recherche de l'extravagance esthétique va de paire avec son attrait pour le charme envoûtant du surnaturel.
Patrice pour son numéro autour du feu
Source : Dernières Nouvelles d'Alsace
Entré dans le très respecté Cercle Magique d'Alsace, il multiplie les numéros entre feu, catalepsie, illusions, avec toujours ce même attrait pour le fantastique. Pour la petite histoire, c'est au cœur de cet univers de paillettes que la magie de l'amour l'a frappé, puisqu'il y a rencontré sa femme, une danseuse avec laquelle il effectuait un spectacle d'illusion.
"Je ne sais pas si on peut parler de carrière ... Mais oui, c'est ce que j'ai fait de la manière la plus étendue, et avec le plus de résultat. Ça a très bien fonctionné, j'avais de beaux contrats. J'ai tout de même été intermittent du spectacle pendant douze ans. Ça plaisait énormément, on a fait des spectacles magnifiques ... Je faisais un numéro avec du feu, c'est celui qui a rencontré le plus de succès. Il n'y a pas beaucoup de monde qui a osé me copier ! Mais bon, une fois que tu as la technique, il n'y a rien de dangereux ..."
"Je faisais des numéros de clown également. C'était un spectacle pour enfants très interactif, on jouait ensemble en fait. Je n'étais pas le personnage au-dessus d'eux, j'étais avec eux, et je devenais rapidement leur copain. C'était pas le clown classique ! J'avais des dents de lapin, des pattes de yéti, ..."
C'est avec un vrai plaisir que Patrice évoque son parcours dans le monde du spectacle, son regard s'illumine à l'évocation de certains souvenirs qu'il partage avec son épouse : "Il y a un relationnel qui est fabuleux. On fait beaucoup de rencontres, on bouge beaucoup, on fait plein de trucs de fou ! On est aussi confronté à des tas de problèmes qu'il faut vite résoudre ... La magie c'est la magie ! Par exemple, on a participé avec ma femme à un festival d’illusions à Zurich, il y avait des strip-teaseuses, des dresseurs de pumas, d'alligators, ... C'était super, vraiment une très bonne expérience ..."
Vu depuis les coulisses, tout n'est pourtant pas si rose et l'ennui guette même les plus passionnés et les plus excentriques d'entre nous : "Il y avait des spectacles tous les jours donc au bout d'un moment ça devient répétitif. Et puis tu t'ennuies pendant la journée, alors tu traînes avec les autres artistes, tu bois des coups ...Ça fait aussi partie du spectacle ça, au bout d'un moment, ça devient très fonctionnaire, c'est toujours la même chose, le public, tu ne le vois même plus, parce que c'est toujours la même salle ... Tu en viens à mettre des croix sur le calendrier. "
Au bout d'une dizaine d'années, la fin de la magie se dessine pour ce couple peu ordinaire : "Mais c'était une autre période ... A un moment donné, on a freiné. Et à un moment donné, on a arrêté. Il y a un moment où se pose la question du renouvellement du matériel, des costumes, du camion ... Alors voilà ... On garde toujours la nostalgie de cette période-là ... C'est l'histoire du clown triste, quand les lumières s'éteignent, on rentre dans la masse. Le sol redevient gris béton. "

Intelligent, habile et curieux de tout, Patrice rebondi et se lance avec facilité dans une nouvelle carrière. Toutes les portes s'ouvrent pour cet ambitieux passionné : "Je suis retourné à l'école ensuite, j'ai fait l'équivalent de ce qu'était un bts à l'époque en action commerciale avec une spécialisation en marketing et à côté de ça je me suis également spécialisé en marketing direct. Il n'y en avait pas beaucoup qui faisaient ça à l'époque. Et ce qui me plaisait surtout avec le marketing direct c'est qu'on peut tout de suite mesurer le résultat de ses actions ... Mais je faisais des spectacles en même temps !"
"Chevaliers cathares" par Patrice Bucher
Marketing, spectacle mais aussi hypnose, il vit à cent à l'heure : "Je recevais des gens pour des consultations d'hypnose. J'ai fait une formation très complète à Paris avec un mémoire etc. Avec le recul, je me dis que c'est le truc que j'aurais dû continuer. Parce que je ne pouvais pas tout faire : le marketing, le spectacle plus l'hypnose, alors j'ai décidé d'arrêter cette activité-ci."
Et quand on lui demande comment il est entré dans l'univers "hypnotique", il explique : "C'était un très gros hasard. En fait je me suis toujours intéressé aux "choses parallèles", depuis que je suis tout gamin ... J'ai voulu arrêter de fumer alors je me suis rendu au salon de la qualité de la vie au Wacken et c'est là que j'ai rencontré un mec à un stand qui proposait des stages d'hypnose. Je suis donc allé le voir en lui disant que je souhaitais arrêter de fumer mais que je n'y arrivais pas
... C'était une rencontre extraordinaire ...
Il m'a tout de suite envoyé une paire de baffes psychologiques en me répondant "Mais pourquoi vous voulez arrêter de fumer ?" Alors bon, tu cherches des motifs, tu dis parce que ci, parce que ça, et il a tout démonté ... Suite à ça je me suis inscrit à un stage d'un week-end qu'il organisait à Strasbourg, ça m'a vachement intéressé. C'est là que tu réalises que c'est quelque chose de très technique, on a totalement démystifié tout le côté obscur parce que c'est vraiment scientifique. J'ai refait un autre stage le week-end d'après, et puis je suis monté à Paris. C'était vraiment sérieux, encadré, on faisait des expériences, etc."
Il s'interrompt alors et me dit en riant : "Ça se mélange un peu tout ça, ça ne doit pas être super clair pour toi ! Déjà que pour moi ce n'est pas super clair !" Comment dire ... Il est vrai qu'il est compliqué de suivre Patrice. Tous les arts s'entremêlent, tous les spectacles, sans oublier le marketing, la direction commerciale d'une entreprise de camping-cars, la direction régionale d'une boîte spécialisée dans la vente de matériels de cuisine ...
"La danse du temps"
Dans la série des "peintures bleues"
Dur, dur, de s'y retrouver car cet homme, qui se décrit à juste titre comme un "artiste schizo-frénétiques aux 37 personnalités artistiques différentes", mène une vie tourbillonnante où se mêlent indistinctement tant d'éléments, des dizaines d'horizons différents pour un même coucher de soleil. Son existence forme un tout et il est bien compliqué, voire même hasardeux, d'essayer d'en délimiter des phases ...
La peinture et la photographie servent de fil d'Ariane dans cet intrigant labyrinthe. Ces deux arts ne l'ont jamais quitté.
"J'ai fait beaucoup de choses en peinture, beaucoup de techniques et de styles différents. J'ai commencé au lycée, je faisais quelques gouaches ... Quand je faisais des spectacles de magie, je n'avais plus le temps donc j'ai un peu arrêté. J'ai repris ensuite et ça a vraiment bien marché à partir de 2001. J'ai fait une expo à Obernai où j'ai vendu plus d'une quinzaine de toiles en une semaine, beaucoup de peintures bleus mais aussi des ocres.
Ce sont des peintures faites dans le frais, tout est humide, une fois que ça sèche c'est fini alors il faut aller très vite. Tu mets juste un coup de couteau de peinture à un endroit bien précis et si tu l'as raté, tu peux tout recommencer.
Ça m'a permis de gagner beaucoup. J'ai fait des rouges ensuite. J'ai fait de grosses expos dans de belles galeries. Il faut trouver le bon endroit, où tu as le public qui apprécie ce que tu fais. J'ai aussi fait des choses beaucoup plus colorées, avec des effets de coulures et même des paillettes.
Mais c'est comme pour tout, à un moment donné, ça ne marche plus. J'aurais dû continuer les peintures bleus qui marchaient énormément, mais je n'aime pas faire tout le temps la même chose. Et c'est un problème ! Maintenant je ne peins plus tellement, parce que ça s'accumule vu que je ne fais plus d'expos, ça prend beaucoup de place ..."
Patrice nous parle également de la série de peinture réalisée suite à la tragédie des Twin Towers : " A cette
"Les funambules à la pyramide cassée" par Patrice Bucher
Dans la série réalisée suite au 11 septembre
époque je faisais de l'animation, c'est-à-dire que j'étais au micro, je faisais le podium.
Comme, de par mes spectacles et mon expérience de chanteur, j'avais l'habitude de parler en public, je me suis aisément lancé dans cette carrière-ci. Je faisais des podiums pour la foire européenne de Strasbourg par exemple et beaucoup d'autres salons. Je devais m'occuper de tout, l'animation, la sono, des centaines de cadeaux à distribuer. J'ai été repéré et pendant dix ans j'en ai fait énormément, c'était assez marrant. "
"Et donc j'ai appris en 2001 pour les tours jumelles alors que j'étais en train de faire une animation. On me l'a dit à l'oreille, je ne l'ai pas cru au début car c'est un milieu où on déconne tout le temps ... Je me suis alors mis à peindre pendant huit jours. J'avais fait beaucoup de croquis au crayon et au feutre de ces tours qui s'écroulent."
Du rêve nocturne bleu profond, délicatement mystique, au rouge éclatant, intensément violent, les formes étonnantes se mélangent, et dans ces fusions harmonieuses, parfois dérangeantes, des êtres se dévoilent à peine, enveloppés dans le mystère des couleurs et des tracés, des corps, des regards, ou simplement des ombres. L'essence même de ces peintures surréalistes semble n'être autre chose que la puissance des émotions, la tristesse, la colère, l'amour et toujours le rêve. Ces œuvres frappent l'esprit de celui qui les contemple, les larmes d'une ville détruite, les songes d'un autre univers, rien ne laisse indifférent. Le peintre dévoile son regard porté sur le monde et c'est cette même vision qu'il révèle lorsqu'il pose ses pinceaux pour se saisir de son appareil photo.

En effet, l'autre grande passion de notre fantastique artiste est la photographie. Tout jeune déjà, il s'amusait à figer des images en y ajoutant toujours sa petite touche de talentueuse bizarrerie : "A l'époque, tout le monde avait ce genre d'appareil-là, mes parents et mes grand-parents. Ce sont les appareils qu'on dépliait et il fallait regarder par-dessus, dans un miroir, c'était marrant ... Et donc de temps en temps on me le prêtait. Et à 14 ans, j'ai eu mon petit instamatic. Je m'amusais déjà à prendre des photos un peu "bizarres", prendre une vue à travers un feu, dans le brouillard, des choses comme ça ..."
"La nef du soleil"
Installation par Patrice Bucher
"La plupart des gens essaye de faire des choses qui ressemblent le plus possible à ce qu'on voit dans la devanture des magasins de photos, et moi non. J'ai toujours été un peu ouf ! Je n'avais pas d'ambition photographique, c'était juste comme ça, pour m'amuser."
Et quand on lui demande ce qui lui plaît vraiment dans la photo, il répond instinctivement : "Je vais te répondre, c'est très simple, c'est comme pour beaucoup de choses, c'est le bidouillage. C'est comme quand j'avais 14 - 15 ans sauf que maintenant tu peux faire beaucoup de bidouillages informatiques. Ce qui m'a toujours plu c'est l'expérimentation."
"Et je peux dire maintenant sans ambiguïté qu'il y a deux choses qui comptent le plus dans la photo, c'est tout d'abord la lumière. Et ça c'est aussi vrai pour la peinture, les contrastes violents, tout ça. Je travaille tout le temps avec la lumière, je la recherche de plus en plus. Le jeu de lumières, de reflets, ça fait tout. C'est ça qui m'intéresse. Et ensuite c'est la photo humaniste, les gens, les portraits, les expressions, les yeux. Même si je m'intéresse aussi beaucoup aux animaux."
"Mais je suis ouvert à toutes les expérimentations, notamment les photos abstraites. J'aime bien sortir de la photo traditionnelle. Ça m'amuse de faire du David Hamilton ou des choses comme ça. Mais on retombe alors dans un monde assez marginal, je veux dire qu'il y a peu de gens qui s'y intéressent. Pour la plupart, ils vont trouver ça flou, trop brun, trop rouge ou pas assez contrasté. Il n'y a que quelques artistes, des peintres ou des photographes, qui vont s'y intéresser."
A travers son appareil photo, ce n'est pas tellement le monde tel qu'il est que Patrice veut montrer, mais le monde tel qu'il le voit. A l'aide de logiciels comme Photoline, il s'amuse à métamorphoser le réel, transfigurer les paysages, sublimer les êtres.
"C'est ma caractéristique principale : faire les choses différemment des autres", résume-t-il.
Ce désir dévorant pour l'originalité se retrouve à travers l'exposition qu'il a réalisé pour les Originales Artistiques à Saverne de cet été. Son thème ? Grimaces et émotions.
"L'idée au départ, c'est tout simplement que j'en avais marre de faire des portraits où on dit : "souriez !" parce que les modèles ne sourient jamais. J'ai eu envie de faire le contraire, parce que je suis un peu provocateur quand même ! Au début je voulais faire faire des grimaces aux enfants. Parce que quand tu leur dis "Allez, fais-moi un petit sourire !", ils ne veulent jamais alors que quand tu leur proposes de faire l'idiot, ils sont toujours partant !"
Photo pour l'expo "Grimaces et émotions" au Originales Artistiques
(Devine quoi ! C'est moi !)
"J'avais donc proposé cette idée à deux communes mais ils n'étaient pas chauds. Je l'ai alors proposé à Christophe Niess qui a tout de suite accepté. Christophe, de toute façon, il est toujours partant ! Il m'a dit qu'il connaissait des gens qui seraient d'accord pour se faire prendre en photo en train de grimacer. On a alors fait une première séance photo au port puis avec la troupe du théâtre Tournesol et ça a débouché sur l'expo de soixante photos pendant les Originales Artistiques autour de la bibliothèque de Saverne. Le tout en ayant très peu de délais ! Les grimaces, ça fait des profils un peu particulier, je n'ose pas dire des gueules parce que c'est un peu péjoratif, mais voilà c'est quelque chose de fort ! Le but du jeu c'était d'interpeller. Que les passants se demandent : pourquoi il a fait ça ? comment il  fait ça ?"
Patrice nous parle alors de sa vision de la photographie : "On ne peut pas faire de belles photos n'importe où, mais on peut en faire n'importe comment. Il faut avoir un bon œil. Il y a des gens qui sont infiniment plus doués que moi, comme ma femme ou certains de mes élèves. Mais ce n'est pas grave, ça se travaille, on s'améliore."
Il ajoute : "La maîtrise technique est primordiale en tous cas. Si tu ne connais pas ton boîtier, si tu ne le maîtrises pas, tu passes à côté de 80% de tes capacités, quel que soit le boîtier, qu'il s'agisse d'un gros appareil photo ou d'un smartphone."
Je lui demande alors d'où vient, d'après lui, le fait qu'on prenne de plus en plus de photos de soi, de ses amis,"On fait de plus en plus de photos parce que c'est plus facile d'en faire, on a toujours son smartphone sur soi, c'est plus facile de les montrer aussi. Aujourd'hui, on prend une photo et on peut la partager instantanément sur les réseaux sociaux, la faire imprimer chez soi, alors qu'à l'époque il fallait les envoyer à la fnac et les récupérer une semaine après. Je pense que c'est une partie de la réponse."
Photo par Patrice Bucher du feu d'artifice du 14(16) juillet
à Saverne
des plats qu'on fait, et qu'on les partage instantanément sur les réseaux sociaux. Vivons-nous dans une société narcissique en quête désespérée d'une popularité numérique ?
"Il y a plusieurs choses là-dedans. Tout d'abord, ça révèle de nouveaux talents, des gens qui font vraiment de bonnes choses, parce que la photo est plus accessible et aussi dans la mesure où internet permet de révéler ces nouveau artistes. C'est une vraie révolution, on peut un peu comparer ce phénomène à ce que fut l'invention de l'imprimerie à l'époque."
"Mais il y a aussi un gros handicap : on poste très vite, trop parfois, sans avoir assez travaillé les photos. Je le vois notamment lorsque je fais des photos d'un concert. Déjà, les gens s'attendent à ce que tu mettes immédiatement les photos en ligne alors que la règle de base dit qu'il faut retravailler ses photos puis les laisser reposer une à deux nuits pour pouvoir prendre du recul. Alors on est tenté de poster les photos dans l'heure, pour répondre à cette attente, mais on le regrette ensuite."
Photographe déjanté, passionné, il explique avec sérieux tout le processus photographique : "La photo, ça se travaille, il y a un travail considérable derrière ! Il faut faire des retouches, ce n'est pas du bidouillage, c'est simplement pour optimiser le travail et présenter quelque chose de plus abouti que ce qui sort de la boîte, quelque soit d'ailleurs la boîte et le talent au moment de la prise de vue."
"Il y a une incompréhension des gens par rapport au processus photographique. Ce processus commence avec une intention photographique, quelque fois bien avant qu'on ait l'appareil en main, et il se termine lorsque la photo est présentée, c'est-à-dire qu'elle est passée par un logiciel de toute façon. C'est un processus complet, c'est un tout. La photo n'existe que quand elle est terminée et elle ne l'est qu'après être passée sur un logiciel."
"Regarde, je prends une photo, qu'est-ce que tu vois ? Une image. Et cette image, qui l'a fait ? L'ingénieur de chez Nikon qui a conçu l'appareil. Alors où est le photographe là-dedans ? A partir du moment où le photographe retravaille la photo sur l'ordinateur, il y met sa patte. J'estime que le photographe doit avoir la maîtrise complète sur tout le processus. Même le noir et blanc, c'est tout de même une altération de la réalité. C'est sûr qu'il y en a qui vont plus loin, qui superposent huit photos, etc, mais pourquoi n'auraient-ils pas le droit de le faire ? C'est de la création aussi. L'appareil photo est comme un pinceau qu'on utilise pour pouvoir créer une image."
Photo Patrice Bucher. Janvier 2014
A travers son art, cet homme qui veut peindre avec la lumière, utilise la photo pour transgresser la réalité, jouer avec elle, avec ses formes, ses couleurs et sa part d'ombre, pour créer de toute pièce un visuel, donner l'impulsion d'une émotion. Il fige un instant du présent et il le transforme à sa guise, là où l'emmène son cœur d'artiste.
Afin de terminer cette interview avec cet homme si drôle et atypique, au parcours hallucinant et au talent curieux de toutes lumières, je lui pose une dernière question. Prendre une photo, c'est aussi entrer en lutte contre le sablier de notre existence, jouer les Prométhée et déclarer la guerre à Chronos, c'est figer une brève seconde pour l'éternité. Tous les photographes, depuis les professionnels au fans de selfies, en passant par les clients des photographes, tiennent-ils comptent de cet aspect-là ?
"Je ne sais pas si les gens demandent tellement des photos, ils demandent surtout à faire des photos. Tu t'en rends compte d'ailleurs quand tu exposes. Souvent les gens viennent pour avoir des renseignements, ils te demandent comment tu fais ci ou ça, ils ne s'intéressent en fait pas tellement à ce que tu fais, ils cherchent juste des infos. C'est pareil pour la peinture d'ailleurs. Et les gens qui demandent des photos, eh bien, il y en aura de moins en moins. Parce qu'on explique au gens qu'ils peuvent faire les photos eux-mêmes, ce qui est vrai et faux en même temps. Ils le peuvent bien sûr mais dans une certaine limite. Souvent, ils sont déçus, notamment quand il s'agit d'un événement comme un mariage ou un baptême. Si c'est le cousin qui a fait les photos, on ne va pas refaire le mariage la semaine d'après sous prétexte que les photos ne sont pas assez bien."
Et pour ce qui est de son avenir ? Nul ne sait ce qu'il lui réserve, où sa talentueuse excentricité va le guider ... Il poursuivra certainement ses rêves de lumière à travers la magie de ses photos.


Quelques liens pour contempler les œuvres de Patrice :





Installation : Cathédrale de Lumière
Réalisée à partir de bouteilles en plastique


jeudi 10 juillet 2014

Jean-Claude Deprez : Sculpter les émotions

Elles me regardent toutes.

Il y en a une qui rigole, on dirait qu'elle se moque de moi, son grand sourire me donne envie de rire avec elle. Il y en a une autre, si douloureusement pâle, qui semble vouloir éviter mon regard, et la larme rouge qui s'écoule indéfiniment de ses yeux ardents m'angoisse. Une autre encore respire la zénitude, le bien-être simplement naturel, j'aimerais m'asseoir à côté d'elle et méditer dans son ombre délicate. 

Paisibles, torturées, sympathiques, elles sont toutes différentes. Enthousiastes, les couleurs flamboient comme animées par un cœur extatique, les formes se mélangent, s'enlacent, s'embrassent ou se combattent. Je fixe leurs visages, leurs grands yeux ronds. Certaines cachent leur âme derrière une absence déconcertante de figure. J'aimerais pouvoir leur parler. Mais elles restent toutes éternellement silencieuses, renfermant sous leur corps terrestre tant de mystères, des fantasmes d'émotions, des rêves de vie.

Elles me regardent toutes.
Les sculptures de Jean-Claude Deprez.

JC Deprez
Toutes les photos de cette article sont les miennes
C'est au 1 rue du Tribunal, éphémère repère d'artistes talentueusement excentriques, que, pendant les Originales Artistiques, j'ai rencontré Jean-Claude Deprez.
Le voilà donc, le père de ces sculptures sur terre. Souriant, détendu, il n'y a rien de plus facile ni de plus agréable que de discuter avec ce séduisant gentleman.
Il m'explique avec une sympathie toute naturelle comment il a commencé la sculpture : "Ça m'est venu comme ça. A force de me balader dans les musées, les expos ... Je me suis dit que je pouvais moi aussi essayer la sculpture. J'ai commencé au club à Saverne, il y a quelques années maintenant, avec Claudine Oster comme prof."
"Je me suis immédiatement tourné vers la sculpture. C'était une évidence pour moi. C'est le côté tactile, sensuel de la terre qu'on ne retrouve nul part ailleurs, qui m'a attiré."
Sous ses mains, fermes et douces, la terre prend forme. Il l'anime, lui donne une âme, lui offre une vie. Sphères, tubes, corps, masques, il crée à partir de blocs d'argile toutes sortes d'êtres, des représentations souriantes de son bonheur, des chimères inquiétantes issues de ses cauchemars.
Débarquée dans sa vie presque par hasard, cette passion ne le quitte plus. Quand il parle de son art, ses yeux s'illuminent et son charmant sourire étincelle plus encore que l'émail coloré de ses sculptures.
"Quand je crée, je suis dedans et c'est tout. Il n'y a rien d'autre qui compte. Je ne pense à rien d'autre. Il n'y a plus d'heures, il n'y a plus rien. Je suis seul avec la terre."
"J'ai un boulot normal, comme tout le monde,  8 heures par jour. Mais je pense que je passe plus de temps à sculpter que je n'en passe à travailler. Je suis sur Nancy en ce moment, je sors du boulot vers 18h et je vais directement au club, j'y reste jusqu'à minuit, parfois plus. Je ne vois pas le temps passer. Ça doit être le seul moment où je ne regarde pas ma montre."
Travaillant sur Nancy, il y suit des cours afin d'apprendre toujours plus de choses. Habité par une joyeuse excitation, un plaisir magnifique, une talentueuse folie, cet artiste veut créer encore et encore, sans s'arrêter. Il voit toujours plus loin, plus haut, plus grand ...
"En ce moment je suis des cours dans une école à Nancy, chez Céline Laurent. C'est une grosse école qui fait des formations à l'année. J'y prends des cours de temps à autre parce qu'il y a un moment où on ne peut plus aller plus loin tout seul, on a besoin d'apprendre des techniques, de pouvoir utiliser de plus grands fours ..."
La question du four est primordiale pour cet art ainsi qu'il nous l'explique : "Vous faites votre pièce une première fois, en argile brute, puis vous laissez sécher une, deux ou trois semaines, en fonction de la température ambiante. Ensuite, on a une première cuisson pendant 24 heures."
"Ça peut aller jusqu'à 1350°C en fonction des terres. Il y a des terres qui peuvent devenir étanches à condition que le four soit assez chaud, c'est ce qu'on appelle la cuisson grès. Tout est une question de température en fait. On peut alors faire des vases, des fontaines ou même des aquariums ! Et puis les sculptures résistent mieux si elles sont à l'extérieur. Certaines de mes pièces peuvent passer l'hiver dehors alors que d'autres vont se dégrader. Le seul problème sur ces cuissons là c'est qu'on obtiendra de moins belles teintes, parce que la couleur s'adapte moins."
"Après la première cuisson on laisse refroidir puis on passe à l'émaillage, c'est-à-dire la peinture. Après la mise en couleur, on a une nouvelle cuisson de 24 heures."
"Il faut savoir qu'on n'obtiendra jamais la même couleur selon les cuissons. Vous voyez, sur ces pièces là, c'est le même rouge que j'ai utilisé et pourtant les teintes sont différentes au final. Ça dépend du four : si c'est un four à gaz, un four électrique, ... Ça varie également en fonction de la façon dont la chaleur est diffusée, du positionnement de la pièce ... La cuisson détermine tout pour l'émaillage. La cuisson, c'est magique, parce qu'on ne maîtrise rien. Enfin, j'ai pour habitude de dire qu'on ne peut maîtriser ce qu'il se passe dans le four."
"Pour certaines pièces je fais une troisième chose qui s'appelle l'enfumage. Il existe deux techniques : soit on sort directement la pièce brûlante du four, soit on la prend brute, puis on la met dans un tonneau qu'on emplit de sciure ou de papier journal, on allume, et on fait brûler pendant cinq ou six heures.
Après cela, on la plonge directement dans l'eau et le choc thermique ainsi provoqué crée des craquelures sur la pièce. On obtient également un effet noirci car le noir de la fumée pénètre dans les craquelures. On frotte ensuite avec une éponge afin d'enlever ce noir mais j'en laisse toujours un peu, ça fait des effets. Une fois de plus, on ne maîtrise pas l'enfumage, on ne sait jamais comment la pièce va sortir."
La sculpture sur terre demande de l'habileté, une certaine rigueur, et beaucoup de patience. Pour apprivoiser cette matière, la douceur est primordiale tout comme la chaleur extrême et, surtout, le calme du temps qui passe, qui façonne, qui solidifie. Ces très hautes températures, qui peuvent aussi bien aider à fabriquer la pièce que la faire exploser, ont aussi leur mot à dire, elles jouent avec l'impétuosité des contours, l'effervescence des couleurs. Cette énergie qui intervient dans le processus de création, loin de rebuter notre artiste, le séduit totalement :
"C'est magique. Déjà, il y a certains fours où on peut voir ce qui se passe, la pièce qui chauffe, c'est génial. Et surtout, il y a le moment où on ouvre le four. On voit la pièce finie, toutes les couleurs qui ressortent. Cette sensation est indescriptible ... C'est vraiment magique."
La chaleur semble capable d'envoûter la pièce, de la transformer, l'embellir ou la fragiliser. "Oui, j'ai déjà été déçu quand une pièce est sortie du four et que le rendu n'était pas aussi pétant que je l'espérais. Mais ce n'est pas grave, on la reprend, on l'enfume, et c'est bon ... En fait, cette magie de la chaleur fait qu'on ne peut jamais totalement être déçu par une pièce."
S'il arrive souvent que des pièces se fissurent pendant la cuisson, JC Deprez connaît les précautions à prendre afin d'éviter ces dommages fâcheux : "En cinq ans, j'ai dû avoir deux ou trois pièces cassées, je touche du bois ! Il y en a à qui ça arrive systématiquement !"
"Je pense que ça vient des bases qu'il faut respecter. Il y a un certain nombre de choses à connaître, des règles à suivre. Il faut tout de même faire preuve de rigueur. Par exemple, quand on prend plein de bouts de terre pour refaire un gros bloc, si on ne malaxe pas bien, on ne la tape pas assez, il y aura de l'air dans la masse et ça va faire éclater la pièce."
"De même, il faut savoir qu'il faut toujours percer la pièce. Faire un trou, même minuscule, c'est le minimum, si on oublie ce détail, la pièce va exploser pendant la cuisson."
"Il faut savoir que toutes les pièces sont vides. Personnellement, je travaille sur des pièces qui sont déjà vidées : je mets un support quelconque au milieu, une bouteille par exemple, je mets du papier journal autour, je colle mes plaques de terre dessus, je referme puis je monte la tête après en général. Il y en a d'autres qui travaillent sur une pièce pleine et qui vont ensuite l'ouvrir en deux pour la vider puis la souder, ça ne se voit pas, c'est une autre technique. Je préfère travailler sur un support que je retire ensuite. Pour les plus grandes sculptures, j'utilise des cônes en plastique. Tout support est bon à prendre !"
La sculpture sur terre est donc assez technique et pas sans danger : "On a beau avoir des tabliers, des gants, quand on sort la pièce du four, avec les grosses pinces, ça nous fait quand même des cloques ..."
JC nous raconte d'ailleurs une anecdote amusante, en laquelle beaucoup d'artistes se reconnaîtront assurément : "Une fois je me suis cassé la cheville. Je descendais les escaliers en portant une grosse caisse avec une dizaine de pièces dedans, j'ai glissé, mais j'ai maintenu la caisse jusqu'au bout ! C'était la caisse ou la cheville !"
Après avoir évoqué l'aspect technique de son art, notre sculpteur préféré nous fait entrer dans l'intimité de son univers si créatif en ouvrant les portes de son imagination et de ses sources d'inspiration.
Quand la plupart des artistes commencent par dessiner une ébauche de leur pièce, pour déterminer la direction à prendre, JC préfère se laisser guider, il va là où ses mains l'emmènent, sans aucun plan :
"Ce sont mes mes mains qui décident. Je ne fais jamais de dessin au préalable. Je ne sais jamais où je vais quand je commence, je n'ai pas d'idée préconçue sur la pièce qui va sortir. Ça part tout seul. C'est pour ça que mes pièces vont un peu dans tous les sens, je n'ai pas d'idée directrice. Ce sont toujours les mains ... En fait, je ne sais pas si c'est la tête qui dirige les mains ou les mains qui dirigent la tête !"
JC marche à l'instant et cette liberté qu'il offre à ses mains, et à son imagination, se ressent à travers chacune de ses œuvres.
Il ajoute : "Je n'ai aucune limite. Je me rappelle de ce que ma prof à Nancy m'a dit la première fois. Je lui ai demandé "Mais comment fais-tu pour réaliser d'aussi grandes pièces ? Il faut d'énormes fours !" Et elle m'a dit : "Ça, ce n'est pas un soucis. Tu ne t'arrêtes pas à ça. Si on n'a pas le four adéquat, ce n'est pas grave, on va construire le four autour de ta pièce." C'est la première chose qu'elle m'a dit. Alors c'est sûr que si on pense comme ça ... On se rejoint totalement !"
Artiste guidé par sa seule passion, il ne s'impose rien, ainsi qu'il le dit lui-même : "Parfois, on regarde une pièce, on se dit qu'elle est finie, et puis finalement non, on la recouvre et on la reprend le lendemain. Il y a des fois où je commence à créer une pièce et puis, au bout de deux jours,  c'est tout à fait autre chose, ça part dans une autre direction."
"Mais je ne casse pas. Je n'ai jamais cassé un bloc de terre pour refaire autre chose. Je n'y arrive pas, je ne veux pas le faire d'ailleurs. Je veux aller jusqu'au bout. Mais partir dans une direction et arriver au final dans une direction qui est totalement différente, oui, ça arrive souvent. Je me laisse guider. Je ne dessine pas au préalable, je n'essaye pas de penser ma pièce avant de commencer."

Ses oeuvres sont humaines, ce sont des corps, des visages. S'il a commencé par faire des sphères, il se tourne maintenant exclusivement vers la représentation d'hommes, de femmes ainsi que de masques. Je l'interroge sur sa fascination pour les corps et les figures, lui demandant pourquoi il ne se tourne pas vers la sculpture d'animaux, d'éléments naturels ou de choses plus abstraites : "C'est une bonne question ... Les sphères, ça va cinq minutes, on a envie de passer à autre chose ensuite. C'est vrai que je fais beaucoup de corps, des masques également... J'aime bien le côté tribal. Il faut dire que je n'aime pas refaire ce que j'ai déjà fait, j'essaye de créer sans cesse de nouvelles choses. "

Jaune éclatant, noir profond, rouge étincelant, bleu plus tendre, Jean-Claude joue avec les formes mais aussi avec les couleurs : "J'aime bien ce qui pète, oui ! Par exemple, on avait été obligé de faire une pièce académique, pour apprendre les techniques de bases, le respect des proportions, etc. J'ai décidé de faire le Penseur de Rodin, et je l'ai peint en rouge fluo ! Mais en ce moment, je suis en train de me diriger vers autre chose. Si vous regardez mes trois grandes pièces, les plus récentes, elles sont sans émaux."
En observant ses différentes œuvres, on devine leur ancienneté, tout le chemin parcouru par l'artiste. Ses pièces sont le reflet de son âme, elles évoluent avec lui. Certaines sont joyeuses, saturées de couleurs et débordantes d'humour, d'autres sont bien plus sombres, torturées, presque inquiétantes. Questionné à ce sujet, il déclare : "Je pense que oui, cela dépend de mes humeurs. Quand je suis plutôt contrarié, je vais faire des choses non pas morbides mais un peu noir. Et quand je suis heureux, je fais des trucs plus drôles, des visages qui tirent la langue, avec des soleils et des cœurs !"
"Je pense que oui, forcément, je dois avoir une source d'inspiration intérieurement. C'est le cumul de tout ce que j'ai pu voir, entendre, vivre qui ressort ... Je pense que ma personnalité s'exprime forcément un peu à travers mes sculptures. On me dit d'ailleurs souvent que je dois avoir l'esprit un peu noir, que je dois être quelqu'un d'assez torturé ! " plaisante-t-il.
S'il y a bien une chose qui frappe, quand on regarde ses œuvres, c'est la force qui s'en dégage. Ses pièces débordent d'émotions, elles semblent avoir une âme. Cela vient sûrement du fait que cet artiste si talentueux se laisse porter par ses mains. Il permet à son don de s'exprimer en toute liberté, avec respect, et, en vrai passionné, il met un peu de sa personnalité dans chacune de ses créations. Amoureux de la terre, il lui offre un petit bout de son cœur à chaque fois qu'il crée.
Jean-Claude aime souligner la magie de la cuisson et je tiens ici à mettre également en évidence la magie de sa propre force créatrice. Artiste tout simplement sympathique, j'ai comme l'impression qu'il cache sous son grand et beau sourire une sensibilité sans faille, de magnifiques émotions, et un cœur ardent.
Pour finir cette interview, je l'interroge sur ses projets pour l'avenir : "Entre nous, je me teste à la peinture ... Oui, vous pouvez l'écrire mais en tout petit ..."


Avant de terminer cet article, j'ai la joie et l'honneur de vous révéler quelques secrets renfermés dans les œuvres de Jean-Claude ... Vous découvrirez certaines facéties et comprendrez véritablement ce que signifie la "magie" de la cuisson ... Enjoy !


(Oui, j'ai essayé de flouter le fond pour qu'on ne puisse pas
voir les œuvres de l'aquarelliste qui exposait dans la
même pièce et non, je n'ai pas réussi ...)







"Il y a trois visages sur celle-ci. J'aime bien qu'on cherche. Au premier regard, on ne voit qu'un visage. Il faut approfondir pour voir qu'il y en a d'autres. Il faut chercher dans tous les sens. Je joue sur les couleurs pour les faire ressortir. Le troisième est plus discret, je ne veux pas que ça flash."




















"Au départ c'était un nez et des yeux, normal quoi. Et puis je ne sais vraiment pas ... Ça m'est venu comme ça. Et du coup j'ai ajouté trois autres corps en-dessous."














"Celles-ci sont des "sculptures amovibles", comme je les appelle. En fait, c'est à force de cumuler des petites pièces ... Il me reste un peu de terre donc je fais des tubes, des boules, des petites têtes. Et après je m'amuse à faire des constructions.
On ne sacrifie pas la terre. Si on a des petits bouts qu'on n'utilise pas, on va les mettre dans un coin, on les oublie, ils vont sécher et c'est fini.
Alors je fais des petits objets que j'empile sur une tige métallique. A chaque expo, je change la disposition. Et même au cours d'une expo, si elle dure longtemps, il m'arrive d'intervertir des pièces. Les gens ont l'impression que j'ai une nouvelle création ! Quand ils le savent, ils me font des propositions : tiens, si on mettait ce tube là avec celui-ci et cette tête là ... C'est pour ça que je les appelle des sculptures "amovibles". Les gens choisissent ce qu'ils veulent !"













"Celle-ci, quand elle est sortie, il n'y avait pas un beau rendu sur l'émail, j'étais un peu déçu. On a alors décidé de l'enfumer, pour voir ce que ça donne. Et voilà le résultat ! Vous voyez, cette larme, c'est une coulure que je n'avais pas crée à la base, elle n'aurait pas dû exister. Ce n'est pas moi, c'est le four. Il y a eu un trop plein d'émail sur cet oeil qui a coulé à la cuisson. Et voilà, c'est la femme qui pleure. C'est vraiment toute la magie de la cuisson. On ne maîtrise rien. Ce genre de petits détails ... C'est magique !"












Et pour le plaisir des yeux, la dernière création de JC Deprez :




Si vous souhaitez retrouver JC Deprez, voici sa page facebook :
https://www.facebook.com/SculpteurCeramiste?fref=ts

Sachez également que vous pourrez retrouver Jean-Claude Deprez entouré par d'autres artistes à Saverne sur la place de la Fontaine. Ca se passera le samedi, en juillet et en août, contactez-le avant que de vous y rendre afin d'être sûr de ne pas le louper !