dimanche 3 mai 2015

L'art par Sa Majesté Des Mouches : les clés de son imaginaire

Clément Toneatti est Sa Majesté Des Mouches !
On s'est rencontré par une après-midi ensoleillée sur la terrasse du Molly et on a parlé d'art : de son art, de l'art qui l'inspire ...  

Il nous ouvre les portes de son étrange univers avec sincérité, et passion. Entrons sans plus attendre dans sa fascinante imagination ...




"Sa majesté des mouches, c'est ce bouquin qu'on a tous du lire au collège" dit-il simplement. Clément est un jeune artiste cool, souriant, humble et passionné. C'est bien simple, quand Clément n'est pas au boulot, il s'adonne à sa passion, le dessin. 
Encre de chine, logiciel informatique, il vogue entre différentes techniques. L'univers qu'il crée est superbement sombre et inquiétant, fabuleusement cauchemardesque. Sorcières, monstres, zombies, aliens, il s'amuse avec tous les personnages qui peuplaient nos craintes enfantines. Le monde mystique, ésotérique, qui surgit de ses œuvres dans des étincelles de contrastes noirs et blanc n'est jamais bien éloigné d'un rythme musical, qu'il soit rock'n'roll, punk ou métal. Clément s'amuse aussi avec les couleurs, pour un résultat parfaitement percutant. 
Il a déjà plusieurs collaborations à son actif. Il a par exemple réalisé un flyer pour une soirée au Mudd, mais aussi une affiche pour le Chuulstock festival qui se tenait au Molodoï, auquel mon groupe adoré des Punish Yourself a participé.
"J'ai fait différentes affiches pour différentes soirées ou festival. Il y en avait une avec un zombie en train de boire des fioles d'acides, une autre avec un scientifique fou, une espèce de gorille déchaîné dans son labo. J'avais aussi réalisé la pochette d'un single pour une nana en Angleterre qui fait du hip-hop au féminin clinquant et tropical, avec du chien, c'était sympa. Y a aussi mon copain TOMAHAWK (TMWK), basé à Paris, qui est producteur et DJ, qui de temps en temps me demande de lui faire un petit truc. J'ai notamment fait son logo."
Clément Toneatti a également collaboré avec les Iron Bastards, les surdoués alsaciens du rock'n'roll ! Il faut dire que cet artiste voue une grande passion à la musique, et il est d'ailleurs lui-même musicien. Il explique : "La scène locale, c'est quelque chose d'important pour moi. Je pourrais te citer un nombre incalculable de groupes qui viennent de Strasbourg, qui sont géniaux, composés de gens vraiment cool !"
La musique est une de ses sources d'inspiration. Elle scande son quotidien et insuffle à ses œuvres des riffs puissants : "Tu retrouveras dans mes dessins ce qui me parle le plus. C'est une sorte de grand foutoir entre Black Sabbath, Electric Wizzard, les Cramps, Motörhead, Slayer, il y a certainement du Led Zeppelin qui traîne aussi dans le coin ..."
Mais la musique n'est qu'une des clés du fantastique imaginaire de Clément : "La musique, le cinéma, mais aussi la littérature, sous toutes ses formes. J'associe la bande dessinée à la littérature, car dans les textes comme dans les images, on trouve des choses tout aussi valables que dans les grands classiques."
Tout comme pour la musique, Clément est loin de se limiter à un seul style. Impossible de mettre une étiquette sur les œuvres de cet artiste ou sur ses sources d'inspiration. A travers ses œuvres, il fait aussi bien des références à Lovecraft qu'à Bukowski.
"Je m'intéresse aux artistes avec qui je partage une sorte de sensibilité ou bien des thématiques communes. Un de mes auteurs préférés est Mikhaïl Boulgakov, écrivain russe qui a écrit au début de l'URSS. De même, j'adore Charles Bukowski qui est beaucoup plus brute de décoffrage, bien plus triste. En fait, si tu regardais dans ma bibliothèque, tu verrais du tout et du n'importe quoi ! J'aurais de la science-fiction, de la fantaisie, ... J'ai la chance d'avoir un ami libraire qui s'intéresse à beaucoup de choses, qui m'a fait découvrir pleins d'ouvrages géniaux."

"Il n'y a pas de limites. Du moment qu'il y a de l'évasion et que c'est bien fait, que c'est sincère, je prends."

Cet artiste étonnant, déroutant, est avant tout un passionné des images. Affiches, pochette de CD, cinéma, rien ne résiste à son insatiable curiosité. "Depuis l'enfance j'adore les films, les dessins animés. Je pense que c'est déjà un moyen de se forger une culture de l'image, de découvrir ses goûts."
Étonnamment, cet amoureux des arts est un parfait autodidacte qui n'a que très peu fréquenté les bancs de la fac : "J'ai essayé de faire une année en licence d'art visuel mais j'ai rapidement décroché. Il n'y a vraiment que deux cours que je suivais, à commencer par celui de graphisme. En effet, j'avais la chance d'avoir un prof passionnant ... "
"Je me rappellerai toujours de l'étude qu'il a fait de Citizen Kane, pour nous montrer les découpages de noir et blanc sur lesquels avait joué Orson Wells par moment et les cadrages, ce genre de choses ... Il fait partie des personnes qui m'ont fait prendre conscience qu'il faut essayer de faire des compositions et pas simplement partir d'un point et puis dessiner autour, remplir la page ... Il faut se projeter en tentant de cadrer son dessin."
"Sinon j'avais un autre cours qui s’appelait "Les volumes", en gros c'était des cours de sculpture : on avait tout un bric à brac à disposition et on devait les utiliser pour créer quelque chose, c'était vraiment sympa."
Clément a donc forgé sa technique petit à petit, à force de dessiner, de s'inspirer. S'il travaille principalement en noir et blanc, il s'essaye depuis peu à l'aquarelle : "C'est très récent car, à l'origine, je suis vraiment plus à l'aise dans le jeu des oppositions entre le noir et blanc ... Je dessine principalement avec l'encre de chine, au pinceau, à la plume, certains feutres également pour les plus petits détails. J'utilise toujours du papier à gros grain car j'aime quand l'encre accroche par moment, ça crée des petites imperfections, ..."
"Tous les jours, je dessine, j'essaye des trucs. J'essaye de m'intéresser à des choses que je n'ai pas encore expérimenté. Il faut dessiner tous les jours. Quand on aime ça, de toute façon, on a envie de le faire tous les jours."
Clément Toneatti n'impose aucune frontière à sa curiosité, aucune limite à son art. Il tente sans cesse de nouvelles choses, partant en quête des richesses de l'imagination humaine.

"Je me laisse porter, j'ai envie d'essayer différentes choses ... Je pense de plus en plus à la peinture, j'ai fait quelques essais."


Le cinéma est une autre clé de son imaginaire, un autre tremplin qui l'invite à dessiner.
"J'aime beaucoup les vieux films de la Hammer, le cinéma britannique pas cher, avec le Dracula interprété par Christopher Lee par exemple, Les Vierges de Satan, ..."
"Clairement, si tu veux une des clés de mon imaginaire, il faut que tu regardes La Montagne Sacrée ou El Topo d'Alexandro Jodorowsky. Il fait partie des artistes qui sont omniprésents dans ce que je fais, des œuvres que j'ai retenu dans mon parcours."
Cinéma, musique, littérature, tous ces arts, et ceux qui les portent, se retrouvent dans les dessins de Clément. Ses œuvres se présentent comme le résultat de nombreuses expérimentations, l'aboutissement de tout un parcours culturel. "On peut voir mon travail comme un melting pot."
Ce jeune artiste considère avant tout l'art comme un moyen d'évasion face au réel : "Les affiches peintes à la main, qui fleurissaient dans les années 60-70 sont remplacées aujourd'hui par des compositions photoshop et je trouve ça dommage. Les films en eux-mêmes sont déjà tellement numériques, tellement surchargés, ... Ce serait bien de trouver un peu de fantaisie à travers la réalisation d'affiches faites à la main. C'est pareil pour les pochettes de disque. Il y a bien sûr un superbe travail de graphisme mais ...  Le tout numérique m'ennuie en fait."

"C'est trop réel. Et quand c'est trop réel, ça ne me permet pas de m'évader, je m'ennuie."


"S'évader, c'est le but premier de ce que je dessine, de ce que j'ai dans la tête. Je dessine pour mettre sur un support papier ce que j'ai dans la tête et essayer d'être au plus près de ce que j'imagine. J'ai du mal à m'intéresser aux choses qui font partie de notre monde ... "
Si son univers actuel est plutôt sombre, composé de zombies, sorcières ou monstres, il me confie qu'il ignore s'il continuera à évoluer dans cette thématique.
"Si ça se trouve dans deux mois j'aurais un univers à base de temples psychédéliques et d'animaux à trois têtes, je n'en sais rien. Mais ce sera toujours traité d'un point de vue technique de la même manière. Il y aura de toute façon toujours une sorte d'obscurité, une sorte de suite logique."
"Car au final je n'essaye pas de rester dans telle ou telle thématique, dans chaque dessin j'essaye de faire des trucs différents. C'est à chaque fois une sorte d'expérience pour produire ce que j'ai envie de voir. C'est un univers qui me parle, c'est une façon de m'évader."
"Je représente tout simplement des choses que j'aime. Des choses que j'aimerais voir sur une affiche, dans un film, sur un sticker dans la rue."
Clément dessine au feeling. Il se laisse porter par son imagination, son inspiration, mais aussi ses émotions. La sensibilité représente une part importante dans son art : "Quand on dessine, il y a toujours quelque chose qu'on veut exprimer. C'est comme pour les musiciens : au-delà de la simple proposition d'un arrangement ou d'un riff, ils ont de base quelque chose à exprimer, une émotion, un message à faire passer. C'est l'impulsion même de ce que tu fais. Et ce qui est génial c'est quand tu composes un dessin et que les gens perçoivent ce que tu as pu vouloir dire. En fait, ce qui est même mieux, c'est quand ils s'approprient ce que tu as pu leur mettre sous leur nez, que ça leur parle."

"Et là, ça devient du vrai partage."


Partager son univers mental, exprimer ce qui lui plaît, Clément le réalise via ses dessins. Il s'ouvre au public par l'encre de chine, il se découvre. Par ses mains, ce sont son cœur et son âme qui s'expriment. Ses oeuvres sont visibles sur internet avec sa page facebook, son blog ou son Instagram.
Il a également participé à différentes expos : "J'ai fait une expo il y a un an maintenant au Chariot, c'était la première, et c'était super convivial. J'étais assez intimidé car c'était la première fois que je présentais mes dessins mais j'avais la chance d'être bien entouré, on m'a poussé. Les gens étaient super sympas, vraiment enthousiastes. J'ai également fait une expo flash à la Popartiserie."
Ce qu'il préfère ? "La réalisation de pochettes de disques !"
Pour terminer cette interview, j'ai demandé à Clément de me citer d'autres artistes qui ont pu l'influencer.
"Je pourrais t'en citer beaucoup ! Il y a par exemple Charles Burns qui travaille principalement en noir et blanc. Il y a Mucha, certainement un des plus grands affichistes de tous les temps. J'aime aussi beaucoup Jim Phillips, qui représente certainement une autre facette de ma personnalité, qui réalise des œuvres beaucoup plus rondes, très colorées."
"Parmi les artistes qui m'influencent beaucoup, il y a aussi Raymond Pettibon, un artiste qui vit à Los Angeles et qui a crée le logo d'un de mes groupes préférés, Black Flag. Il m'a beaucoup influencé au niveau de sa technique de travail. Ce n'est presque que du noir et blanc. Il réalise des scénettes assez étranges, très puissantes. Au niveau du trait, il y a une vraie spontanéité, c'est très énervé. Ça colle très bien au punk harcore que produit Black Flag. C'est vraiment une de mes influences majeures."
Clément Toneatti est un mec cool, vraiment passionné, qui partage avec talent son étrange univers, son magnifique imaginaire. A travers ses dessins, on ressent la force de sa sensibilité, la richesse de ses sources d'inspiration, et son majestueux désir d'évasion.


"J'espère en tous cas être quelqu'un de curieux."








Retrouvez Clément Toneatti sur sa page facebook :

https://www.facebook.com/toneattillus?fref=ts

Sur son blog :

http://samajestedesmouches.tumblr.com/

Sur Instagram :

https://instagram.com/samajestedesmouches/