jeudi 21 juillet 2016

Caca Hontas - L'aiguilleuse Tattoo

Aujourd'hui, les tatouages fleurissent sur toutes les peaux. Entre ceux qui s'affichent fièrement sur le cou et les mains, les discrets cachés derrière une oreille, ceux sexy sur les fesses ou sous les seins.
Des tatouages pour être à la mode, des tatouages pour faire joli, parce qu'ils sont cool, drôles, originaux.
Des tatouages pour se démarquer, s'exprimer, revendiquer, se surpasser. Des dessins encrés dans la peau comme une revanche farouche sur la vie, une fierté de s'en être sorti, d'avoir affronté tout ça, d'avoir réussi.

On a tous nos propres raisons d'être tatoué. 
Et à travers cet article, c'est Caca Hontas, L'aiguilleuse Tattoo, qui nous explique pourquoi elle tatoue. Cette tatoueuse pas comme les autres, dont les motifs, hallucinants, brillants, sont souvent dérangeants, violents. Parce qu'ils expriment des parcours de vie.


 


"Chacun a un langage, et c'est assez facile pour moi de retranscrire des idées, des mots, en dessin."


"J'ai une vision très particulière du tattoo." m'explique L'Aiguilleuse Tattoo qui n'a commencé que récemment à tatouer.
"Certains flashs que je propose sont violents, dans ce qu'ils représentent, dans le message qu'ils transmettent. Ils parlent du handicap, de la maladie, des personnes différentes qui sont rejetées par les autres."
"La violence n'est pas forcément liée à des dessins de crânes ou de sorcières !"
L'Aiguilleuse Tattoo ne se contente pas d'utiliser la palette de motifs couramment rencontrée pour permettre aux personnes d'exprimer ce qu'elles ressentent, elle utilise sa formidable créativité.
Ses dessins ? Ce sont des corps qui se font face, des têtes déformées, des oiseaux à trois yeux, des pupilles en as de pique, des êtres qui s'allongent et se dédoublent. 
"Je m'inspire du vécu des personnes qui viennent me voir. Mais aussi de mon propre vécu, pour les flashs."
Des mots qui lui sont confiés, de ces sentiments, de ces parcours de vie, Caca Hontas crée des dessins, des tatouages aux symboliques fortes, des messages portés fièrement sur la peau.


"Je m'impose que jamais un de mes clients ne puisse regretter son tatouage"


"Je pose toujours la même question au client : "Est-ce que ce tatouage va t'apporter ou te retirer quelque chose ?
"Si j'ai le moindre doute sur le fait que la personne puisse un jour regretter le tattoo, je ne le fais pas. Je veux m'assurer que ce ne soit pas fait sur un coup de tête, ou sous le coup de l'émotion."
"Il faut que ce soit le fruit d'une réflexion profonde. La personne doit être totalement en phase avec cet acte. Je me montre un peu inquisitrice parfois avec les clients, à leur poser plein de questions, mais c'est pour m'assurer que jamais ils ne regretteront leur tatouage."
"Quand tu discutes autour de toi, tu réalises qu'il y a tout de même pas mal de personnes qui se sentent mal dans leur peau à cause d'un tatouage, qui le regrettent. Je m'impose que jamais cela n'arrive à mes clients."
"Je n'ai jamais banalisé le tatouage et j'espère que je ne le ferai jamais."
"Je me dois d'être responsable, vu les motifs que je fais. En fait, je suis comme une gamine avec des crayons qui s'éclate, qui fait ce qu'elle adore, mais qui est tout sauf inconséquente."
"Beaucoup de monde se demande comment je fais pour travailler dans ces conditions, en gardant toujours ça à l'esprit, en m'imposant ce "ne jamais regretter", mais en fait ça me stimule. Je pense que si je ne me l'imposais pas, je ne pourrais tout simplement pas tatouer."
"Je suis droite dans mes bottes, et c'est ce qui me stimule à fond."

"Fier d'être différent"


"Evidemment, ce n'est pas le cas pour tous les motifs que je fais. Pour les dessins plus doux, plus légers, c'est différent. A l'image de ma série Dada par exemple, qui est très poétique."
"Ce que j'évoque ici c'est une démarche tout à fait différente de celle des tatoueurs qui sont dans l'ornemental."
"Là, je te parle des sujets lourds, et graves. J'ai besoin de savoir comment les personnes vont le porter."
"La personne doit être fière d'être différente, de ce que la vie lui a fait, de comment elle s'est construite. Il faut être dans l'acceptation du parcours douloureux, et en retirer quelque chose de positif."
"Je veux tatouer des personnes qui s'assument. Des personnes qui revendiquent une identité. Un jour une cliente m'a dit que je suis la tatoueuse de "l'assumation"."
"Toute ma vie, j'ai enchaîné les coups durs et les revanches. Et j'aime me dire qu'avec le tatouage, je partage quelque chose avec la personne qui veut sa revanche sur la vie."
Le tatouage selon L'Aiguillleuse Tattoo ne doit pas être réalisé quand "le processus de guérison n'est pas fait". 
Le tatouage doit célébrer un combat, une victoire, l'envie de réussir, l'espoir. Il doit être positif. 
"J'ai envie d'être complice de la joie du tatoué, c'est ça qui est génial !"

"J'ai besoin de comprendre l'autre"


Je demande alors à Caca Hontas pourquoi ces tatouages symboliques l'intéressent tant.
"Je suis passionnée par les gens, j'aime les gens profondément. J'ai une grande passion pour la psychologie."
"Depuis que je suis toute petite, je parle à tout le monde, j'ai besoin de comprendre l'autre, qu'ils me racontent leur vie."
"La plupart des commandes, c'est ça. Des personnes qui ont tellement de richesse en elle. Ce sont des commandes toujours très personnelles. Et j'en suis très fière. Ces personnes m'accordent toute leur confiance, elles me jugent assez bien pour retranscrire dans le tatouage ce qu'elles vivent."
"Mais pour les flashs c'est pareil. Je discute beaucoup avec le client pour connaître ses motivations, savoir si ça lui parle. Et je modifie le flash pour qu'il puisse mieux lui ressembler."

"Le tatouage a été pour moi une énorme claque."


En sachant plus sur sa démarche, je me mets à questionner la tatoueuse à propos de son propre parcours d'artiste.
"C'est en janvier de cette année que j'ai tatoué quelqu'un pour la première fois, en-dehors de moi-même."
Mais bien avant même de tatouer, Caca Hontas pratiquaient de nombreuses formes d'art. De la linogravure, de la broderie, du dessin ...
"J'ai été dans l'univers de l'illustration pendant presque 20 ans. Et je m'emmerdais. En fait j'étais coincée dans un style. C'est souvent cela dans l'illustration, tu dois être reconnaissable par ta signature graphique."
"Mon pire ennemi, c'est l'ennui. Avant, je m'ennuyais très vite. C'est pour cela que j'ai toujours fait énormément de choses : de la scénographie, des installations, de la musique, ... Je passais de l'un à l'autre très rapidement, j'en avais besoin, sinon je me lassais."
"Il ne faut pas que je m'ennuie, sinon je deviens triste comme les pierres."
"Et le jour où j'ai commencé à tatouer, ne serait-ce que déjà sur de la peau synthétique, j'ai enfin trouvé un résultat qui me plaisait."
"Avec le tatouage, tu peux faire des choses que tu ne peux faire avec rien d'autre, ni de la peinture, ni un crayon de papier, ..."
"Le tatouage est si difficile techniquement, je sais que je ne m'ennuierais jamais."
"Et puis je peux aborder des thèmes, des techniques et des styles très différents ! Bien sûr, on reconnaît toujours mon style, mais je ne me retrouve plus enfermée comme c'était le cas avec l'illustration."

"J'ai trouvé ma place."


"Enfin, je me suis sentie chez moi. Avant, je n'arrivais pas à trouver ma place, même parmi d'autres artistes, avec les clients, les maisons d'édition ..."
"Derrière les tatoués, on trouve des personnes très impliquées dans leurs vies, qui se posent beaucoup de questions sur elles-mêmes. Politiquement, socialement, musicalement, on s'entend vraiment bien. J'ai trouvé ma place."
"Je ne passe plus pour pour l'extra-terrestre, la délurée de service, celle qui est toujours trop trash ou trop barrée."
"Aujourd'hui, c'est un peu comme si on me disait tous les jours : Vas-y ! C'est open bar !"
"Et du coup, je me suis vraiment demandée : pourquoi je ne l'ai pas fait avant ?"
"Avant j'avais l'impression que j'errais ... Mais c'est comme si toutes ces années d'errance m'avaient enfin menées là, au tatouage."
"J'ai l'impression d'être passée à côté de ma vie. Je ne peux pas t'expliquer pourquoi je ne l'ai pas fait avant, car moi-même je ne le comprends pas !"
"Je sais simplement que ce sont mes amis qui m'ont motivé. Ils se faisaient tatouer mes dessins. Et ils ont fini par me demander de me lancer."


L'Aiguilleuse Tattoo est encore au début de son cheminement à travers le tatouage, mais elle affirme déjà, en plus de sa créativité, de sa passion pour l'art, une envie de comprendre les autres et de partager quelque chose avec eux.
C'est une nana qui rigole tout le temps, et dont le sourire est communicatif. Une femme qui croque la vie à pleine dent !

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