jeudi 4 août 2016

Spark 1, de Vizual Jockey's: rencontre avec un graffeur !

Promènes-toi dans ta ville. Et regarde les murs. Ici et là, des œuvres d'art éphémères, éclatantes de couleur, subliment le gris des rues, ou l'abandon glauque des friches industrielles.
C'est avec des bombes de peinture que les graffeurs ont choisi d'exprimer leur créativité. Et leurs supports sont les façades de notre quotidien.

L'art urbain, un moyen d'expression qui intrigue, qui fascine, qui nous émerveille. Des artistes qui se dérobent à la vue. Des peintures qui s'affichent aux yeux de tous.

Rencontre avec un de ces graffeurs. Spark 1, membre des Vizual Jockey's et de l'ABC Crew.



Lettrage par Spark 1


"J'ai commencé le graff fin des années 90, quand je vivais encore à Rosheim. Ce qui m'avait donné envie de me lancer à l'époque c'était un magazine de hip-hop, Radikal. Il y avait toujours trois ou quatre pages de graffiti à la fin. Et puis je passe mon temps à crayonner depuis que je suis gamin !"
"Quand j'ai commencé j'ai rencontré Pise 2, on s'est rendu compte qu'on avait exactement la même passion pour gribouiller les murs ! Alors on se retrouvait le week-end, pour faire du graff. Et on a formé une équipe, VJ's pour Vizual Jockey's !"
"On a ensuite rencontré Malotru qui a également rejoint l'équipe. Puis Mysé et Roys 32."
"Au début on ne faisait que du gribouillage. Puis, avec Vizual Jockey's, on a commencé à faire des fresques plus détaillées, plus intéressantes."
"En 2010 notre équipe a rejoint une autre team de Strasbourg, et on a formé la ABC Crew ! On est assez nombreux, je pourrais te citer par exemple Seku Ouane, Nelson, Nose et d'autres potes encore."
"Ensemble, on a fait des grandes fresques, il fallait parfois plusieurs week-end pour les réaliser."
"On a participé à beaucoup d'événements, comme récemment, avec les VJ's, le festival de graffiti à Mulhouse, Mécaniques urbaines. "
"Ça fait vraiment plaisir d'être invité sur tous ces projets."
Tu as certainement pu voir d'autres œuvres réalisées par Spark 1 et les VJ's, comme à Sélestat, car ils ont bossé pour Zone 51, ou au Molodoi tout simplement, puisqu'ils en ont réalisé la façade. Plus récemment, ils ont réalisé une fresque au skate parc de Rosheim.
Vizual Jockey's, tu l'auras compris, c'est avant tout une bande de potes, des mecs qui aiment délirer ensemble, des passionnés de graff, unis par la même envie de créer.


Fresque par Vizual Jockey's

Je lui demande alors de m'expliquer comment les différents graffeurs de VJ's font pour unir leurs différents univers autour d'une même fresque :
"On fait toujours des réunions avant de se lancer. Il y a un gros travail en amont. Généralement on fonctionne avec une forme de tirage au sort, et le mec qui donne l'idée organise alors la fresque, il dirige un peu l'équipe. On réfléchit d'abord aux couleurs, on réalise des esquisses, ... Ça prend du temps ! "
"Mais parfois on peut aussi se retrouver pour juste faire un truc à la cool sur un mur, sans réflexion préalable, pour s'amuser et passer du bon temps entre potes !"
"C'est aussi important de peindre seul, de se retrouver seul face au mur, sans aucune contrainte. Il y a juste toi, le mur, et ta bombe de peinture. Ça te permet de voir ce que tu vaux, et d'avancer. Il ne faut pas oublier que les erreurs sont bonnes à faire, elles te poussent à progresser."
"Tu sais, le graff, ce n'est pas évident. J'ai quand même dû travailler 5 - 6 ans avant de pouvoir réaliser des pièces concrètes. Ce n'est jamais gagné d'avance, il faut tout le temps bosser, c'est un éternel apprentissage de toute façon."
"J'ai déjà essayé pas mal de trucs, différents types de peinture, mais clairement, ce que je préfère, ce qui me représente le plus, c'est le graffiti."


Par Spark 1


"Avec les VJ's on est très branché friche industrielle. Au moins personne ne vient nous importuner ! A la limite, tu vas rencontrer un photographe ou des airsofteurs ... Et puis c'est sympa, on campe sur place, on passe du bon temps."
"Dans les friches, tu trouveras toujours un canapé, une grille pour faire des barbecues, j'adore toute cette ambiance !"
Parallèlement, ils travaillent régulièrement pour des municipalités, des associations ou même des privés.
"Le bouche à oreille fonctionne vraiment bien. On est assez souvent contacté grâce à ça. Sinon on fait aussi du démarchage, on va voir dans les mairies, etc."
"Comme le graffiti devient à la mode, il est plus facile désormais de trouver des projets."
"Et puis on s'entraide aussi. Mysé a sa propre entreprise de décoration intérieure comme extérieure, elle s'appelle Myse en couleur, mais lorsqu'il a un gros projet, il fait appel à nous. Et c'est pareil pour les autres : dès qu'on a un assez grand mur, on en fait profiter les autres."
"J'ai déjà été contacté par un privé pour un gros projet, alors j'ai proposé aux potes de participer. C'était pour une maison dans le quartier de l'Orangerie où on a réalisé un graff plus réaliste que d'habitude, avec un arbre, des feuilles qui s'envolent, et un effet trompe l’œil au niveau d'une fenêtre. C'était un projet purement décoratif, pour une personne qui n'est pas du milieu du street art, c'était donc différent de ce qu'on a l'habitude de faire, et d'autant plus intéressant."

Par Spark 1

Si la majorité des projets que Spark 1 a réalisé se trouvent en Alsace, il a déjà eu la chance de pouvoir réaliser des œuvres bien au-delà de nos frontières. 
"Que ce soit seul ou avec les VJ'S, j'ai pas mal voyagé grâce au graff. Je suis allé à Barcelone, à Hambourg, à Copenhague, à Londres, ..."
"C'est une chance de pouvoir se déplacer ainsi grâce à sa passion, et puis on fait beaucoup de rencontres, cela permet d'échanger pas mal. On s'est déjà fait invité par d'autres crews comme à Lyon ou à Nancy pour peindre, c'est ce qu'on appelle un Jam."

Toile par Spark 1

Tous les graffeurs sont évidemment conscients que leur art est éphémère, et que tout le travail qu'ils ont réalisé peut à tout moment être recouvert. D'ailleurs, pendant l'interview, dès que Spark 1 évoquait une fresque assez ancienne, il s'arrêtait pour préciser en souriant : "D'ailleurs elle est toujours là ! C'est cool !"
Il m'explique d'ailleurs que, parallèlement à toute cette liberté véhiculée par le graffiti, liberté de supports, de tons, de temps, liberté d'expression aussi bien souvent, cet art n'en connait pas moins une certaine forme de réglementation qui lui est propre.
"C'est un milieu dans lequel il y a pas mal de codes qui sont assez respectés. Par exemple si on voit qu'il y a une fresque en cours, on ne va pas y toucher ! Et puis on évite de repasser sur les anciens, on se connait tous plus ou moins alors il suffit de demander avant de le faire, ou on invite le mec sur notre nouvelle peinture."


Par Vizual Jockey's

Si le graffiti a toujours revêtu un côté underground, en tant qu'art de la rue, pratique cachée, il connaît pourtant depuis peu un regain d'intérêt. Entre les mairies qui se vantent d'avoir tel graffiti de tel artiste dans les rues de leur ville, et les marques de voiture qui s'en servent pour leur pub, le regard porté sur le tag est en pleine évolution.
"Il y a des bons et des mauvais côtés. Evidemment, c'est génial que le graffiti persiste, que les jeunes s'y intéressent ... Mais quand ça devient une mode, qu'on va retrouver dans la pub, etc, ça me dérange. Je préfère que ça reste dans la rue. Je n'aime pas trop quand le graff se met trop au service de la pub, même si je comprends les artistes qui le font. Après tout, on a tous besoin de gagner sa croûte."


Vizual Jockey's (zoom)

En ce sens, le graffiti semble suivre le même parcours que le tatouage, et c'est tout naturellement que nous abordons ce sujet :
"J'ai toujours été intéressé par le tatouage. D'ailleurs on avait déjà fait un graff dans le shop de Contraseptik et on y avait fait une expo."
"Je trouve qu'il y a des disciplines qui se retrouvent, comme la photo, le tattoo et le graff. Ce sont des choses qui marchent bien ensemble. Et puis le côté dessin, les lettrages, les personnages, on retrouve tout ça dans d'autres arts."
"Il y a des photographes qui nous suivent  comme Franky Run qui aime beaucoup le graff, et qu'on retrouve souvent."
"On a aussi déjà fait des décos pour des groupes. Les panneaux qu'on avait réalisé étaient sur la scène. Les groupes ont adoré nos décos et nous sommes fans de leur musique. C'est un bel échange."
"Le hip-hop par exemple fonctionne bien avec le graffiti. Personnellement, c'est ma musique, j'adore le hip-hop. Et les rappeurs font récemment des références au graff. Il suffit de penser aux mecs de NTM qui sont des graffeurs de base. Mais ça marche aussi pour d'autres types de musique."
"D'une façon générale, le graffiti m'a permis de faire de très belles rencontres."

"Et puis si je pouvais faire une petite dédicace aux copains aussi, Misé, Pise 2, Roys 32, Seku Ouane, Nelson, Mose, et une grosse pensée pour Malotru."


Fresque réalisée en l'honneur de Malotru



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