jeudi 10 mars 2016

Naïssa B. : capturer l'imaginaire

L'autre jour, je suis allée au Troquet des Kneckes pour rencontrer Naïssa B.
Modèle depuis mai 2010, photographe depuis octobre 2014, elle a rapidement su créer son style et son univers, tantôt vintage et romantique, tantôt effrayant, énigmatique.
Ses œuvres sont des bijoux oniriques, des écrins d'émotions douces ou violentes, des mots d'amour, un regard, un ressenti, un souvenir, une force.
Débordante d'idées, enflammée par sa passion, son envie de tester de nouvelles choses, de se dépasser, la pousse toujours plus loin dans l'image, la création.


Photo : Naïssa B.
Modèle : Sally Brown
« J'avais envie de faire mes propres images »

« J'ai été modèle pendant 5 ans et, à un moment donné, j'ai senti que c'était le moment de changer. J'avais envie de faire mes propres images, de la prise de vue, jusqu’au produit fini.»
« Déjà en tant que modèle, les projets que je proposais étaient clairement définis: maquillage, stylisme, personnage incarné… j'avais des idées très précises du rendu que je voulais. C'est pour ça, je pense, que la transition s'est imposée. »
« J'avais la chance d'avoir tout le matériel nécessaire chez moi car mon homme fait aussi de la photo. J'ai pu m'entraîner, des copines posaient pour moi, et puis c'est parti ! »
« En fait j'ai l'impression que tout m’a conduit là, toutes ces années de modeling, comme une ligne droite qui me mène de plus en plus vers un épanouissement personnel intense dans la création.»

« Mes modèles incarnent un personnage qui n'est autre qu'une version romancée d'elles-mêmes »

Modèles : Sully Sun / Cha Perchée
Stylisme, MUAH, masque, photo : Naïssa B.
« Comment est-ce que je choisis mes modèles ? C'est simple. Je flashe sur un visage alors je contacte la personne. Il m'arrive même d'interpeller des nanas que je croise dans la rue ! »
« Ce qui est important pour moi, c'est de discuter. Je m'inspire énormément de la personne. J'aime voir ce qui l'intéresse, ce qui l'habite, pour trouver un projet à travers lequel on puisse tous les deux s'exprimer. »
« Ce qui m'inspire chez un modèle, c'est d'abord son visage, puis tout son univers, ce qu'il est. »
« Il y a des filles, comme certaines modèles avec qui je collabore souvent, qui ont un tronche extraordinaire ! Et un univers tellement riche, tellement décalé ! Il y a des personnes comme ça, qui ont tellement de facettes, qu'on peut faire plein de choses très différentes avec elles ! »
« Ce sont souvent des filles directes, très spontanées, qui offrent un accès direct à monde et leur personnalité. »
« J'aime aussi beaucoup photographier les personnes tatouées. Le tatouage me fascine ! Et ce que j'apprécie, c'est de transporter ces modèles dans un contexte beaucoup plus glamour. »
« La fille tatouée est trop souvent présentée de manière hyper vulgaire, sexuelle. Je veux les montrer comme des femmes élégantes, glamours, les sublimer ! C'est si beau, une nana tatouée, alors comment la résumer à un simple bout de chair ! »
« Si j'arrive un tant soit peu à changer l'image de la femme tatouée, réduite au statut de femme-objet, alors je serai vraiment contente. »

« Ma démarche a vraiment changé. »

« Au début, je voulais juste montrer les gens de manière brute, sans artifice, j'étais assez catégorique là-dessus, je pensais que c'était ce qui pouvait m'amener au vrai. »
Modèle : Morgane
(Sour & Sweet Tattoo)
Mise en beauté : Julie Gless
« Au fur et à mesure, j'ai réalisé qu'en montrant les gens de manière brute, en fait, je ne les montrais pas vraiment, eux, dans toute leur complexité. Car ce qui nous caractérise, c'est plus qu'un visage, c'est aussi une atmosphère, un ressenti, une part d'ombre qu'on ne veut pas forcément exprimer. C'est pourquoi une image brute ne reflétera jamais complètement une personne, je l'ai compris progressivement. »
« Je laisse les modèles évoluer dans le contexte qu'on a crée ensemble. »
« Ayant été moi-même modèle, je sais comment guider les filles. S'il y a quelque chose qui cloche au niveau de la pose, je le rectifie tout de suite, je perds beaucoup moins de temps ! »
« Enfin … Là où je perds du temps, c'est en post-prod ! Je veux vraiment retrouver l'impression que j'ai eu pendant la séance. C'est comme quand tu fais « pause » dans un film : je veux retranscrire une image mais aussi tout ce que j'ai pu ressentir à ce moment précis. Je cherche avant tout à recréer une atmosphère. »
« Ce que j'aime, c'est que mes photos créent une réaction forte, un ressenti. »
« C'est important aussi pour moi qu'on considère les modèles comme des artistes à part entière. C'est tout un art de savoir comment montrer son corps, comment se positionner, incarner un personnage, … C'est un travail difficile et qui n'est clairement pas assez reconnu. »
« Les modèles sont des sources d'inspiration inépuisable, et il est vraiment important de les valoriser. Idem pour les maquilleuses, les coiffeuses, les stylistes… Mes photos ne seraient pas ce qu’elles sont sans toutes ses personnes de grande valeur.»

« On a tous une part d'ombre, un côté fantastique, un fantasme de ce qu'on aurait aimé être dans une autre vie »

Modèle : Kyle Fireson Photography
MUA/concept/photo : Naïssa B
Serre-taille : Morphose et vous
Conseils lumières : Louis Lezzi
« J'ai un nouveau projet, Fantastica. Je le résume ainsi : si tu devais être un alter-ego de toi dans un autre espace-temps, un humain qui aurait évolué autrement, comme serais-tu ? »
« Je ne veux pas me soucier des codes habituels, je veux éclater mes critères esthétiques, trouver du beau du côté de l'étrange, du dérangeant. »
« Je veux éclater les carcans, tout ce qu'on est habitué à voir. Je fais exprès de me mettre dans des situations difficiles. Mon but est clairement de réinventer mon propre concept de la beauté. Tout déconstruire pour mieux reconstruire. »
« Ce sont des personnages étranges, qui n'existent pas, mais qui sont toujours générés par le/la modèle. Dans ce cas, c'est plus facile pour lui de se projeter, et l'image qui en ressort est forcément plus authentique. »
« Pour Fantastica, mes modèles sont dénudés. Le problème étant que, si je les habille, ça risque de trop contextualiser le personnage. Je n'accepterai les vêtements que s'ils servent le personnage. Pour autant, je ne vais pas montrer de téton, ou de sexe, je veux des êtres asexués. Ce sera donc dénudé, mais très pudique. »

« J'essaye au maximum de me donner les moyens de mes envies »

« Il est important de faire les choses à fond ! Ce serait trop frustrant sinon … J'ai envie de vivre, d'expérimenter au maximum, tant que je peux, et tant qu'il y aura des gens pour me suivre. »
« Je me sens parfois tiraillée entre mon travail, ma vie de famille et la photo. Mais, à ce stade, je ne peux plus m'arrêter, pas en si bon chemin ! Cela fait un an et demi que je fais de la photo, et j'ai encore des ressources en moi qui sont énormes ! Ce n'est que le début ! Je ne sais vraiment pas où tout cela va me mener ... »
« En fait, je commence à peine maintenant à me considérer comme une photographe. C'est pour ça que, sur Facebook, j'ai choisis Naïssa B. Artwork et non Naïssa B. photographie par exemple. Au début, je considérais simplement que c'était quelque chose qui sortait de moi. »
« Je me sens désormais prête à me montrer un peu plus. Et ce dont je rêverais notamment, c'est d'exposer. Tout d'abord pour le retour au physique, au matériel, car si le virtuel permet beaucoup de chose, la photo, au départ, c'est du papier. »
« Et puis j'aimerais savoir comment mon travail est réellement perçu, derrière les écrans, derrière le côté aléatoire des réseaux sociaux, rencontrer les gens, leur parler, voir leur manière de regarder et d'interpréter mes images. »



Modèle : Mado
Muah : Aurélie Ziercher
Guide lumières : Louis Lezzi

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